Vous trouverez ci-dessous la lettre que le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation a adressé au Commissaire Européen en charge de la pêche.
« Monsieur le Commissaire,
Le secteur de la pêche française est d’ores et déjà fortement touché par la crise sanitaire liée au Covid-19.
Si la filière pêche est consciente de son rôle majeur dans l’approvisionnement des Français dans cette situation inédite, les marchés s’effondrent et le point d’équitibre est déjà largement atteint pour de nombreuses sociétés d’exploitation de pêche.
Il y a par ailleurs une incertitude forte sur les prochaines ventes en criée et plus de 50% de baisse d’activité serait d’ores et déjà enregistré pour le mareyage. Il faut en effet craindre des arrêts de l’activité d’une majorité de navires de pêche d’ici à la fin de semaine du fait des difficultés des différents maillons de la filière (halle à marée, mareyage,…) à maintenir leur personnel et leur activité
La France a mis en place des mesures transversales pour l’ensemble des entreprises dont celles de la pêche. Pour autant, il est impératif d’envisager toutes les démarches de soutien spécifique et plus adapté à ce secteur.
Aussi, la France remercie la Commission de son initiative pour adapter en urgence des mesures du Fonds européen pour les Affaires Maritimes et la pêche (FEAMP) à la situation de crise liée au Covid-19.
Pour autant, la proposition d’adaptation des mesures prévues aux articles 35 (« Fonds de mutualisation en cas de phénomènes climatiques défavorabies et d’incidents environnementaux »), ainsi qu’à l’article 57 (« Assurance des élevages aquacoles »), n’est pas une réponse adéquate compte tenu de la situation française.
En effet, ces deux articles ne sont pas mobilisés en France dans la mesure où nous ne disposons ni de fonds de mutualisation dans le secteur de la pêche, ni de dispositifs assurantiels adaptés dans le secteur aquacole.
Après avoir échangé avec l’ensemble des structures professionnelles de la filière, il apparaît pour autant que le FEAMP pourrait contribuer efficacement au soutien économique de la filière au travers de deux mesures qu’il conviendrait de mobiliser et
d’adapter : le soutien aux arrêts temporaires d’activité de pêche (article 33) et l’aide au stockage (mesure 67).
En ce qui concerne la mesure d’arrêt temporaires, l’actuel article 33 du règlement 508/2014 qui en détermine le cadre prévoit un soutien financier destiné à compenser une interruption temporaire d’activité des pêcheurs et ce afin principalement de préserver
les ressources halieutiques. Si récemment le législateur européen a admis que ce mécanisme était envisageable en cas de Brexit et l’inaccessibilité des eaux britanniques aux flottifles les plus dépendantes, rien n’est prévu en cas de survenance d’une grave crise sanitaire ayant des répercussions directes et indirectes sur la filière pêche.
En effet, la contamination éventuelle d’équipage, la fermeture de criée sur le territoire, la fermeture des frontières qui se multiplient dans le monde rendant problématique les escales ainsi que le recours à des membres d équipage étrangers sont autant d’éléments nécessitant un appui auquel les dispositifs actuels ne répondent qu’imparfaitement.
Or le mécanisme de l’arrêt temporaire pourrait sous réserve d’être modifié en ce sens jouer ce rôle de soutien financier rapidement mobilisable à destination des armateurs et propriétaires de navire. La France soutient donc un amendement qui compléterait la liste des causes justifiant le recours aux arrêts temporaires dans le cadre d’une crise sanitaire d’une gravité certaine. Ce dispositif ne devrait pas pour autant conduire à un arrêt total de la filière pêche qui contribue à l’approvisionnement de la population des Etats membres.
Par ailleurs, dans ce contexte de faible demande et de chute des prix de vente, la remise en oeuvre du mécanisme de stockage, en vigueur dans le cadre du règlement FEAMP jusqu’à fin 2018, permettrait de conforter le rôle essentiel joué par les organisations de producteurs en matière d’adaptation de la production à la situation du marché, et serait un complément utile à leur régulation des apports pour contribuer à limiter la chute des marchés.
Ainsi, les autorités françaises demandent que larticle 67 du règlement 508/2014 relatif au FEAMP, qui prévoit la suppression de ce mécanisme à fin décembre 2018, soit amendé afin d’autoriser la mise en oeuvre immédiate de la mesure dans le but de répondre
aux perturbations du marché découlant de la crise de marché engendrée par la propagation du coronavirus.
Enfin, et compte-tenu de la situation exceptionnelle que nous connaissons, il est nécessaire que l’activité de pêche soit maintenue dans un objectif de contribuer à la sécurité alimentaire de nos citoyens. Aussi, j’envisage la mise en place d’un dispositif ad-hoc permettant de soutenir les pêcheurs en activité afin de soutenir la rentabilité de leur activité. Ce dispositif à inventer reposerait sur des crédits nationaux. Sa mise en oeuvre supposerait de pouvoir adapter en conséquence le cadre applicable aux aides d’Etat.
Je vous prie de croire, Monsieur le Commissaire, à l’assurance de ma considération distinguée.
Didier GUILLAUME »
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